Au cours de notre échange, nous découvrons une dirigeante sensible à chacune des expériences dont elle est témoin à travers sa solution. La maladie a cette capacité de rendre infernal le quotidien du patient et renvoie systématiquement à l'impuissance de la personne qui l'accompagne. Chaque personne aidée est une victoire !
Ses différentes vies professionnelles ne l’ont jamais éloignée de ses valeurs fortes que sont la notion de service et celle de la mise en réseau des acteurs pour gagner en efficience. Mélanie entre dans la vie active avec un poste de documentaliste-bibliothécaire au sein d’une association. Elle évolue dans la culture bretonne et celtique où le breton est parlé au quotidien. Elle y reste sept ans et y apprend à faire de la veille, à utiliser et mobiliser les ressources bibliographiques et surtout à aller trouver l'information. Ce qu'elle apprécie dans cette première partie professionnelle “c'est cette façon de travailler en partenariat avec différentes organisations éclatées”. Au quotidien, elle est la passerelle sur différents sujets transversaux notamment entre les chercheurs et les universitaires. Mélanie est une personne habitée par le travail en réseau et en mode collectif. C'est une professionnelle de la coopération.
En septembre 2007, elle accompagne son compagnon atteint d’une leucémie aiguë. Son quotidien change brutalement et devient alors celui de l'hôpital et des traitements lourds liés à la chimiothérapie et aux rayons. Mélanie refuse d'être seulement spectatrice et se promet alors de devenir actrice du quotidien de son compagnon. Elle s’appuie sur cette croyance où “le moral, c’est 50% de la guérison”. Mélanie devient aidante et cherche constamment des solutions qui pourraient avoir un impact sur la qualité de vie, sur les douleurs, sur les limites des médicaments et celles des protocoles invasifs. Ce quotidien dure 18 mois jusqu'au décès de son conjoint. Au-delà d’une promesse, cela devient sa mission en agissant concrètement pour faciliter le quotidien des patients atteints de maladies graves.
Mélanie observe que chaque maladie a son association et que chaque localité a son association. “Tout cela est très cloisonné finalement et il y a peu de collectif malheureusement. Certes, il y a beaucoup de passion mais on refait toujours le même travail, en fin de compte.” Pour donner un chiffre concret, le cancer représente 1000 nouveaux cas par jour. Mélanie est convaincue qu’il faut proposer une offre professionnelle et qu’on ne peut pas compter seulement sur des bénévoles et être dépendants de leurs disponibilités ou de leurs capacités. “Il faut le meilleur pour les malades, il faut la meilleure solution professionnelle. Il faudrait une entreprise qui serait le partenaire des équipes de soignants et qui travailleraient main dans la main pour co-créer des solutions”.
Premières émergences de BLISS.
Forte de ce constat, Mélanie aborde cela sous un autre angle afin de rassembler les acteurs. Hasard ou coïncidence, en 2009, Mélanie assiste à une projection d’Avatar , le premier film en 3D au cinéma. Elle est “ scotchée' par ce monde imaginaire”. Elle le décrit comme un déclic qui consisterait à créer un monde imaginaire pour le patient afin de le sortir de la maladie où tout le monde le rappelle, et ce quotidiennement notamment par les prises de traitements et les protocoles lourds. “L'idée est donc de créer un environnement en réalité virtuelle pour les patients”. Bliss naît donc en 2010.
Mélanie rencontre tous les acteurs de l'écosystème de la réalité virtuelle. Malheureusement ces derniers ne la prennent pas au sérieux. Elle rencontre alors les organisateurs de Laval Virtual, laboratoire d'expérience pour le salon où se rencontrent les professionnels de la réalité virtuelle, les ingénieurs et les médecins. “Il y a un truc à faire, il faut chercher une solution”.
En 2011, nous assistons au lancement de la Kinect branchée sur une TV 3D. Cela permettra de déployer une première version de la solution et de solliciter un premier prêt d’honneur au sein d'Initiative Mayenne, Mélanie nourrit sa veille technique de ressources internationales et elle voyage aux État-Unis, au Québec, au Royaume-Uni pour approcher au plus près de la mise en œuvre de sa solution. Pour cela, elle découvre la première étude clinique de la réalité virtuelle reposant sur des résultats scientifiques. Sa préoccupation principale est de définir “comment un protocole non médicamenteux peut avoir un impact sur la santé du patient?”. Mélanie exprime l’ambition de créer le premier médicament numérique et n’aura de cesse de s’affranchir de l'image d'une start-up.
Dates et repères
En 2011, Mélanie est lauréate d’un prix d’innovation en entrepreneuriat social, ce qui lui donne l’opportunité de rencontrer plusieurs grands spécialistes, au Québec notamment. Ses échanges avec Stéphane Bouchard, cyber-psychologue, auteur de 250 études cliniques sur le sujet de la réalité virtuelle sont déterminants. Selon lui : “ c'est le futur ! Tout le monde va faire de la réalité virtuelle sans les évaluer cliniquement. Il faut donc aborder votre solution comme un laboratoire pharmaceutique numérique.” Mélanie déploie toute son énergie pour décrypter le fonctionnement des protocoles et des études cliniques, “c'est le premier chemin vers un comité scientifique”.
En 2012, Mélanie confronte avec des médecins oncologues l’impact des traitements classiques avec les études cliniques sur des protocoles non médicamenteux.
Entre 2014 et 2015, elle affine et réajuste sa solution avant de la présenter devant des congrès médicaux.
En 2015, Samsung sort son casque VR (réalité virtuelle) qui permet de loger un smartphone de type Galaxy S6 dans un casque. “C’est une petite révolution en matière d'équipement, plus léger” qui préfigure une solution portative, pratique et fonctionnelle pour les hôpitaux.
En 2016, Bliss sollicite un prêt croissance auprès d’Initiative Mayenne afin d’acquérir un premier pack composé d’une kinect afin de valider son premier test VR. Cela lui permet de rencontrer des médecins hématologues et tester avec eux la solution lors d'une ponction de moelle osseuse. Le service utilise la solution pendant 18 mois, “en mode routine”. Les retours du terrain sont unanimes puisque les patients n'ont pas mal pendant les biopsies et cela évite la mise en place de protocoles invasifs.
“On entre ensuite dans une phase 3 d'études cliniques, correspondant aux mêmes exigences que les laboratoires pharmaceutiques, effectuées auprès de 126 patients et dans 5 hôpitaux différents, c'est un peu le haut de gamme du protocole clinique”. Comme depuis le début, Mélanie assiste à tous les gestes médicaux. “On connaît le métier, on connaît le parcours des patients et on réfléchit en mode médicament”.
2018 célèbre les premières ventes ainsi que l’instruction de 4 études cliniques en phase 3. Le protocole consiste à porter un casque de réalité virtuelle et à faire voyager le patient dans un environnement virtuel immersif par l’audio et le visuel. Cela correspond aussi au développement de 5 univers différents, au langage universel qui ne nécessite pas de traduction. Une personne qui ne sait pas lire peut suivre le parcours et c'est multigénérationnel. “On peut parler de sédation numérique puisque cela limite l'anesthésie locale”, nous comprenons dès lors qu’il n' y a pas de salle de réveil, pas de risque et par conséquent, une réduction des coûts médicaux. “Oui c'est une solution gagnant-gagnant sur toute la chaîne.”
Il s’agit donc d’un principe actif numérique qui plonge le patient en état de conscience modifiée pour brouiller l'autoroute de la douleur. Cela peut s’appliquer à 5 cibles d'indications différentes :
1- au bloc opératoire / anesthésie locorégionale
2- extraction de dents de sagesse
3- post chirurgie et pansements complexes
4- santé de la femme
5- gériatrie. D'ailleurs 15 % du chiffre d'affaires se fait dans les EHPAD.
En 2012, Mélanie et le Docteur Katell Le Du, hématologue, présentent les résultats de leur étude au Congrès mondial de cancérologie de l'ASCO. Ensemble, elles démontrent que Bliss a la même efficacité qu'un médicament mais 70 % moins cher et que cela représente une des réelles avancées dans le secteur.
Quel a été votre premier match avec Initiative Mayenne ?
Mélanie PERON : “ Ce sont les premiers à nous avoir fait confiance et dès le début. j’ai eu l’opportunité de solliciter un prêt d’honneur à la création en 2011, puis un prêt croissance en 2016. J’apprécie toujours leur bienveillance et la pertinence de leurs questions.”
Avec Initiative Mayenne, ça marche toujours parce que c’est toujours …. ?
Mélanie PERON : “C’est toujours concret, réaliste.”
Quel match a propulsé votre entreprise ?
Mélanie PERON : “Indéniablement, le premier essai de Bliss sur une ponction de moelle osseuse avec le premier patient qui n’a pas ressenti de douleur lors de ce geste médical tant redouté.”
Tu matches une équipe ultra efficace ou un million pour commencer ton business”
Mélanie PERON : “Avec une équipe ultra efficace. j’ai la chance d’être entourée d’une équipe d'experts tant du côté des développeurs dans la programmation pour les environnements graphiques , que du côté des finances. Nous comptons parmi nous un professionnel de la santé ayant œuvré dans des laboratoires pharmaceutiques. Et comme nous cherchons le meilleur pour les patients, il faut la meilleure solution validée à travers le comité scientifique. Enfin la solution n'existerait pas sans les patients qui acceptent ce protocole. C’est une véritable coopération entre les développeurs, les professionnels de la santé et les patients, une équipe au sens large”
Avec quelle idole aimerais-tu matcher ?
Mélanie PERON : “Avec Matthew Bellamy de Muse ! Ceux qui me connaissent savent que j’aurais plein de trucs à lui proposer pour une collaboration avec Bliss”
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Mélanie PERON : “ Résolument optimiste et déterminée. C’est un enjeu de santé publique selon moi, et je me sens parfois l’âme d’une pionnière. Je suis convaincue qu’il faut tout faire pour atteindre ses objectifs et se donner le moyen de ses ambitions. Mon objectif initial était d'agir concrètement pour faciliter le quotidien des patients atteints de maladies graves. Aujourd’hui, je suis fière de prouver que face au traitement standard et au médicament chimique, on peut présenter une solution alternative.”
BLISS 106 rue Pierre de Coubertin
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